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Société

Les condamnations "ne suffisent plus", estiment les associations
LE MONDE | 12.07.04 | 13h42

Horreur, stupeur, indignation. Au gouvernement comme dans les partis et les associations, d'un bout à l'autre de l'échiquier politique, les mots ne sont pas assez forts pour condamner l'agression dont ont été victimes une jeune femme et son bébé dans le RER, vendredi 9 juillet. Jacques Chirac a aussitôt fait part de son "effroi" après cet acte antisémite survenu au lendemain de son appel à un "sursaut national" contre tous les racismes (Le Monde du 10 juillet).

"Je demande que tout soit mis en œuvre pour retrouver les auteurs de cet acte honteux afin qu'ils soient jugés et condamnés avec toute la sévérité qui s'impose", a déclaré Jacques Chirac, samedi 10 juillet. Le ministre de l'intérieur a lui aussi condamné "avec la plus grande fermeté" l'agression "ignoble" du RER. Dominique de Villepin a précisé qu'il avait donné des instructions pour retrouver, "dans les délais les plus brefs", leurs auteurs. Un souhait repris par François Bayrou, président de l'UDF, qui espère que "ces bêtes brutes seront arrêtées et que des moyens exceptionnels seront mis en œuvre pour cela".

Les instances de la communauté juive ont réagi avec vigueur. Roger Cukierman, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), a appelé, dimanche 11 juillet sur France Info, à "une mobilisation de l'ensemble de la société civile". "Ce n'est pas à un problème des juifs auquel nous sommes confrontés mais à un problème général de la France." Il avait auparavant souhaité, sur RTL, que les imams "fassent entendre leur bonne parole".

L'appel a été entendu par Azzedine Gaci, secrétaire général du Conseil régional du culte musulman à Lyon et représentant de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF). "Je ne peux imaginer une seconde qu'un musulman porteur de foi commette un geste aussi ignoble", a-t-il déclaré au Monde. M. Gaci appelle les juifs et les musulmans à un "sursaut spirituel" pour "qu'ils combattent ensemble ces actes racistes et antisémites". Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Dalil Boubakeur, s'est dit "révolté" par un acte qui relève de la "voyoucratie".

Les réactions des associations portent notamment sur la passivité des passagers du RER. La Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) s'interroge sur la portée du message de Jacques Chirac : "Le constat est lourd, témoins passifs, voire indifférents, à l'opposé de la vigilance demandée par le chef de l'Etat." L'Union des étudiants juifs de France (UEJF) a affirmé que l'antisémitisme était devenu "le mode ordinaire d'expression de la haine et de la violence". Même indignation à la Ligue des droits de l'homme (LDH) qui estime que les condamnations "ne suffisent plus" et appelle toutes les organisations "à une démarche commune qui permette d'affirmer notre résolution collective face à l'antisémitisme et toutes les manifestations de racisme". Une démarche identique est souhaitée par le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP).

C'est aussi à la mobilisation que les partis de gauche ont appelé dimanche. L'ancienne ministre de la justice (PS) Elisabeth Guigou a souhaité une "mobilisation politique et citoyenne" par la création d'un "comité de vigilance contre les actes antisémites" rassemblant partis politiques et associations. Pour Noël Mamère, député (Verts) de la Gironde, il s'agit de "réveiller l'esprit républicain dans notre pays afin que ce type d'agression ne se reproduise plus". Le Parti communiste a anticipé l'appel en organisant un rassemblement "contre l'antisémitisme, les racismes et la xénophobie", lundi 12 juillet, à 18 heures à Belleville, à Paris.

Sylvia Zappi

 ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 13.07.04